> Incipit imposé : "ce matin, mon réveil n'a pas sonné".

> Temps imposé : 10 min

Ce matin, mon réveil n'a pas sonné. J'avais pourtant bien vérifié qu'il était programmé. Je vérifie tous les soirs, geste mécanique et rituel avant de dormir. 
Ce matin, ce n'était pas comme d'habitude. Mes yeux se sont ouverts dans un silence cotonneux. C'est délicieux un silence cotonneux, ça prend une épaisseur charnelle. Sans faire le moindre bruit, je me suis glissée dans cette faille. Il n'y a pas de temps pour moi aujourd'hui. Vol suspendu ! C'est gratuit !

Comme une petite voleuse, je me laisse aller dans le lit de la rivière. Limpide, fraîche, l'eau glisse et m'entraîne parmi les roseaux. Pas de trace dans l'eau. Aucune empreinte de mon passage. Je danse dans les remous et mon ventre rit. Petite voleuse de beauté, d'instantanéité. pas de futur aujourd'hui, mon réveil n'a pas sonné.

> Temps imposé : 5 min, autant dire la torture !

> mots imposés : "la foule - sagesse - tripes - lumière - entendre"

> consigne respectée : pas de reprise, pas de rature.

Sagesse de mon maître : "Ne vas jamais au maximum de ta puissance. Ainsi tu seras capable de réagir lorsqu'une situation exceptionnelle se présentera. Mais si tu donnes toujours le maximum, comment pourrais-tu faire encore "plus" quand tu en auras besoin ?"

Qui peut entendre ça dans la foule de la modernité ?

"Fais voir ce que tu as dans les tripes ! Donne le meilleur ! Toujours ! Tu peux encore plus, toujours plus ! Allez, vas-y, plus fort ! Fais voir ce que tu as dans les tripes, les tripes, les tripes !"

Donne-moi un peu de cette lumière avant que le monde ne s'éteigne tout à fait.

> Temps imposé : 10 min

> Bande sonore en continu : Tempête.

> Mes images : un phare rouge et blanc - une nuit noire où les yeux ne distinguent presque rien - un homme, debout dans le phare.

Un phare en pleine nuit. Il avait souvent imaginé ce moment, il l'avait esquissé et même crayonné lorsque l'ennui le forçait à s'évader par la lucarne de la lune. Le vivre maintenant. Enfermé. Seul. Au milieu de ce phare. Soumis à la puissance des éléments mais protégé au creux de ce cocon lumineux.

Cogner - Battre - Ressac - Foudre
Je respire

Tanguer - Roulis - Ploc - Sonne
Je respire

Couler - Suinter - Givrer - Déboulonner
Je respire

Balancer - Immuable - Solide - Roc
Je respire

Vent du ciel, souffle saccadé, de l'air, de l'air, de l'air !

> Les mots que j'ai retenus : prise - chaussures - interrupteur - fauteuil 

> Temps imposé : 10 min (pas une seconde de plus ce qui est parfaitement atroce pour moi !)

La prise a grésillé lorsque son doigt a appuyé sur l'interrupteur. Elle a sursauté. Ce petit bruit qui agresse son oreille la rend nerveuse. 

Elle progresse le long du couloir. Un pas après l'autre. Elle s'applique à dérouler son pied, à sentir son empreinte sur le sol. Talon-pointe, talon-pointe. Elle ne veut pas penser. Le mouvement des lacets de ses chaussures accroche son regard. Ne pas penser. Pour ce qu'elle s'apprête à faire, elle a besoin de se sentir vivante dans son corps et de mettre sa cervelle au repos. 

Encore quelques mètres de cet interminable couloir. Son ventre se tord mais la mécanique est lancée, réglée. Elle avance. Encore un pas... Sa main sur la poignée...